Vinci accusé d'esclavage au Qatar

Beaucoup a déjà été dit ou écrit sur la Coupe du Monde au Qatar : les excès du système Kafala (exigeant que tous les ouvriers non qualifiés possèdent un 'sponsor' dans le pays, le plus souvent leur employeur, qui est responsable de leur visa et de leur statut juridique), les déplorables conditions de vie des travailleurs, leurs salaires de misère... A moins que ce ne soit pour bien ancrer ces faits dans la conscience de tous, il n'est plus utile de décrire d'avantage les nombreux problèmes, l'essentiel a déjà été dit. Quoi qu'il en soit, un aspect de cet esclavage moderne n'est presque jamais présenté alors qu'il est essentiel: la responsabilité que portent les entreprises. En effet, il y a énormément à (re)dire sur le Qatar et ses lois injustes, mais nous ne devons pas oublier que le petit émirat n'est pas le seul à profiter de la main-d'œuvre d'Asie du Sud-Est et d'Afrique de l'Est. Récemment, le géant de la construction Vinci fut accusé d'avoir recours à "l'esclavage moderne", une avancée intéressante puisqu'elle vise l'acteur pratiquant l'esclavage et non plus celui qui l'autorise (car il s'agit bien de cela, le Qatar ferme les yeux).

En effet, il ya deux semaines, la Confédération Générale du Travail (un syndicat français) et Sherpa (une association basée à Paris qui protège et défend les victimes de 'crimes économiques'), ont déposé une plainte contre le groupe de construction Vinci, au motif de graves maltraitances sur ses travailleurs occupés au Qatar . Via sa filiale (appelée QDVC), Vinci emploie environ 3 500 hommes là-bas. Laetitia Liebert, directrice général Sherpa, a déclaré que plusieurs avocats de l'association se sont rendus à Qatar en Novembre 2014 pour confirmer les témoignages recueillis auprès de d'au moins dix individus.

Selon ces témoignages, il est apparu que les travailleurs (principalement en provenance d'Asie du Sud-Est ou en Afrique de l'Est) travaillent en moyenne 66 heures par semaine, vivent jusqu'à huit  dans une chambre et sont exploités dans des conditions extrêmement dangereuses, la chaleur étant écrasante et l'approvisionnement en eau très faible.En fait, cela ressemble grandement aux conditions de certains travailleurs en Malaisie ou en Inde, présentées dans des posts précédents.

Au Qatar, chaque employé de QDVC a un libre accès à son passeport et les horaires de travail et de repos sont strictement respectés. À la fin du contrat, 70 pour cent des travailleurs s'inscrivent d'ailleurs pour deux années supplémentaires.

Vinci Spokesman

Il y a eu de nombreux cas de privation de passeport, empêchant les ouvrier de changer de travail ou de retourner chez eux.

Directeur de Sherpa

Selon Nicholas McGeehan, ce n'est malheureusement pas une surprise. Selon lui, "quand le Qatar ou les autres Etats du Golfe sont impliqués, c'est plus une question de savoir à quel moment une entreprise européenne sera concernée par un scandale que si elle le sera". En d'autres termes, Vinci / QDVC n'est pas la seule et il ne s'agit que d'une question de temps avant que d'autres affaires ne soient révélées au grand jour. L'attente jusqu'à 2022 risque d'être cauchemardesque de ce point de vue là... Alors, regardons quelles entreprises sont également là-bas ? Alstom a remporté un contrat de 750 millions d'euros, Bouygues un de 950 millions un, le géant de la construction Leighton Holdings a également remporté un contrat de 550 millions d'euros... Je ne dis pas que ces entreprises sont coupables, mais la situation au Qatar et les déclarations d'expers laissent peu de place au doute. Reste maintenant à savoir si l'on prend le problème à bras le corps et que l'on impose des contrôles ou si on laisse faire, comme trop souvent. C'est donc un devoir, le devoir de chacun, de sensibiliser le public sur les pratiques actuelles du Qatar et des entreprises qui s'y trouvent.

Selon l'indice de l'esclavage mondial, réalisé par la Fondation Walk Free, une ONG australienne pour les droits de l'Homme, il y aurait environ 30 000 personnes asservies au Qatar, soit 1,4% de la population totale. Il serait vraiment naïf de croire que les chantiers de la Coupe du Monde ne concentrent qu'une petite partie de ces 30 000 hommes (à savoir uniquement les 3 500 de Vinci). Les autorités du Qatar ont nié ces allégations et tentent de les faire passer pour une campagne de déstabilisation à l'encontre de première Coupe du monde de football organisée par un pays du Golfe. Le Qatar a également déclaré qu'aucun des travailleurs employés pour des projets de Coupe du Monde n'a été exploité (comme quoi le ridicule ne tue pas). Nous savons que ce n'est pas vrai et il est de notre devoir de veiller à ce que ce mensonge ne reste pas impuni!

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