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Fight Slavery !

Industrie du tabac et travail des mineurs

November 17 2014, 11:47am

Posted by Guillaume

Industrie du tabac et travail des mineurs

3 916 000 000 000. Impressionnant c'est ce pas ? Il s'agit du nombre approximatif de cigarettes consommées annuellement dans le monde, soit 11 milliards par jour ou encore 127 314 par seconde. De quoi donner le vertige. Alors, avec un tel marché, il y aura toujours des opportunités. Inutile de rappeler les dangers du tabac, on en entend déjà suffisamment parler à la télévision ou à la radio. Et puis, pour être honnête, je me fiche bien de savoir si les gens fument, ce qui m'intéresse est de savoir ce qu'il y a derrière le produit. Qui produit ces milliers de milliards de cigarettes chaque année ? Comment ? Un tel business attire forcément les convoitises, multiplie les opportunités, mais aussi les concurrents. Alors, pour rester compétitifs, certains n'hésitent pas à avoir recours à de la main d'oeuvre bon marché, c'est à dire des enfants, des migrants ou, tout simplement, des populations défavorisées.

La semaine dernière ils nous ont obligé à travailler alors qu'il pleuvait. Je me sentais malade et nauséeuse.

Ana Flores, 16 ans. Fille d'immigrés travaillant à Pink Hill

Sous-traiter la production dans les pays pauvres...

De la même manière que l'industrie cosmétique emploie des sous-traitants en Asie (voici mon article à ce sujet), certains cigarettiers passent par des petites entreprises locales afin d'obtenir des matières premières peu chères (ici les feuilles de tabac donc). Mais, ce faisant, ils n'ont pas la possibilité de contrôler eux-mêmes la production, ce qui laisse la porte ouverte à de multiples abus, notamment le travail des enfants.

Selon l'Organisation Internationale du Travail, il y aurait actuellement 1,5 million d'enfants travaillant dans l'industrie du tabac en Indonésie, ce qui équivaut à 60% de la force de travail mineure du pays (21% travaillent pour l'industrie cosmétique et le reste se divise entre l'agriculture et le textile). Malheureusement, l'Indonésie n'est pas le seul pays concerné : selon International Tobacco Control Project, l'emploi des mineurs dans l'industrie du tabac est également un problème majeur au Cambodge, au Laos, en Malaisie, aux Philippines, en Thaïlande, et au Vietnam. Bien que la Chine soit l'un des plus gros producteurs au monde, la part des mineurs impliqués reste marginale, c'est pourquoi le pays ne fait pas partie de la liste précitée. Il est intéressant de relever que l'Inde a récemment adopté une législation très stricte concernant l'emploi des mineurs dans les fermes de tabac. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun problème bien sûr, mais l'engagement de l'Etat est une bonne nouvelle, surtout lorsque l'on compare la situation à celle de l'Ouzbékistan qui encourage sa population (et les enfants) à travailler dans les champs de coton au moment de la récolte. 

Les pires récoltes où on est travaillé sont celles de tabac. Vous êtes constamment fatigué, vous êtes malade, mais vous devez quand même y retourner le lendemain.

Dario, 16 ans. Kentucky

... ou (légalement) exploité des mineurs aux Etats-Unis

En mai 2014, l'ONG Human Rights Watch a publié une enquête de haute qualité intitulé Les enfants cachés du tabac : l'ambigu travail des enfants dans les fermes de tabac aux Etats-Unis. Grâce à quelques 140 pages nous avons droit à un bon aperçu de ce que sont vraiment les fermes de tabac au pays de l'Oncle Sam. Afin de réaliser son enquête, HRW a interviewé 141 mineurs âgés de 7 à 17 ayant travaillé dans les fermes entre 2012 et 2013. L'âge médian auquel ils ont commencé à travailler est de 13 ans, et leur journée type de travail se situe entre 10 et 12 heures, parfois 16.

Dis comme ça, cela ressemble (toute proportion gardée bien sûr), à l'esclavage qui pouvait exister dans els champs de coton il y a 200 ans. Mais honnêtement, combien de personnes savent que de telles conditions de travail existent encore aux Etats-Unis aujourd'hui ? En fait le problème est que, d'un point de vue juridique, ceci est absolument légal. En effet, selon la loi, il est autorisé pour un enfant de 12 ans de travailler dans une exploitation du moment qu'il reste scolarisé, et ceux de moins de 12 ans peuvent même commencer à travailler si l'exploitation appartient à un membre de sa famille. Il est donc interdit de fumer en dessous de 18 ans mais il est tout a fait toléré de travailler pendant des heures dans les champs de tabac, dont les odeurs provoquent maux de têtes et désagréments à la plupart des jeunes, comme en atteste l'étude.

Certes, le titre de cette partie peut paraitre quelque peu racoleur dans le sens où les enfants Américains ne sont pas exploités comme peuvent l'être les Asiatiques, mais est-il normal pour un enfant de 12 ou 13 ans  de travailler douze heures par jour dans un environnement nocif ? Cela ressemble plutôt à de l'esclavage moderne : éthiquement condamnable, juridiquement toléré.

 

Philip Morris : désormais un exemple ?

Il y a 4 ans Philip Morris, notamment propriétaire des marques Marlboro et Benson & Hedges, avait dû admettre que l'un de ses fournisseurs employait 72 mineurs, dont certains d'à peine 10 ans. Cette confession était quelque peu forcée, puisque l'entreprise américaine était alors sous le feu des critiques de l'ONG Human Rights Watch, après la réalisation d'une enquête sur le travail illégal et l'esclavage au Kazakhstan. Bien que Philip Morris n'était que partiellement responsable, son image était alors salie. Récemment, la multinationale a officiellement adopté un changement de politique.

En effet elle a annoncé que, à partir de maintenant, elle traiterait exclusivement avec des fournisseurs de feuilles de tabac et non plus directement avec les fermiers. De cette manière les deux grands fournisseurs (Alliance One International et Universal Corporation), qui font l'objet de contrôles stricts, devront s'assurer eux-mêmes du bon respect des règles édictées par Philip Morris dans les exploitations. C'est à dire, toujours en vertu de sa nouvelle politique, que les travaux jugés difficiles ou dangereux seront prohibés aux moins de 18 ans. Ce qui est une réelle avancée comparé à la loi américaine ! Evidemment, il y a (trop) souvent un grand pas entre les déclarations et la réalité, mais Philip Morris a pour l'heure le mérite de communiquer sur le sujet, reste désormais à être attentifs et juger son action au regard des faits.
 

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